Voici la deuxième partie de l'histoire du Lean Construction. Vous pouvez lire la première partie ici.
En 2002, lors d'une réunion du Project Management Institute à Seattle, Greg Howell a présenté un document qu'il avait co-écrit avec Lauri Koskela dans lequel ils comparaient le Last Planner System (Système du Dernier Planificateur) avec la méthode du chemin critique. Greg a profité de l'occasion pour démontrer que le système du dernier planificateur constituait une approche plus efficace de la gestion et du pilotage des projets.
La réaction du public n'a pas été très enthousiaste. Un membre s'est levé pendant la présentation de Greg et a crié : "Vous mentez, vous mentez !". C'est parfois ce qui arrive lorsqu'on remet en question des pratiques bien établies.
Et c'est exactement ce que fait le Last Planner System. Il bouleverse le concept même de planification en permettant aux personnes sur le terrain d'élabor des plannings détaillés. Cette approche repose sur l'observation que ce sont ces personnes, et non les experts en planification, qui disposent des meilleures informations pour réaliser les plannings les plus justes.
Comme beaucoup d'idées, le Last Planner System a évolué. Comme indiqué dans le premier article, il a débuté dans les années 1980 avec le concept de "Planification des effectifs". En demandant aux chefs d'équipes qui sont sur la 1ère ligne, eux les "derniers planificateurs", qui savaient quel travail pouvait être accompli, de planifier leur semaine de travail sur cette base plutôt qu'en fonction d'un planning, ils pouvaient accomplir de manière plus productive le travail qui devait être fait. La planification hebdomadaire et l'exécution du travail au quotidien s'en trouvaient ainsi facilitées. Rapidement, un système de planification hebdomadaire a été mis au point.
Ce système de planification hebdomadaire a donné naissance à l’indicateur du Pourcentage des Promesses Tenues, que Glenn a présentée à l'Institut de la Construction de Californie du Nord dans un document qu'il a rédigé en 1994. En termes simples, il s'agit du nombre de tâches terminées au cours d'une semaine, divisé par le nombre total de tâches prévues pour la semaine. Le Pourcentage des Promesses Tenues est complété par un processus de Pareto utilisant l'analyse des écarts pour aider les équipes de projet à améliorer la fiabilité de leur planning. Le Last Planner System inclut le retour d'information comme mécanisme d'amélioration, et c'est ce retour d'information qui a permis aux équipes de faire des découvertes qui ont conduit à d'importants gains de productivité.
Deux autres étapes de l'évolution ont été la Planification de la Préparation des Travaux et la Planification par Phase. La Planification de la Préparation des Travaux a été décrit pour la première fois en 1994, dans un document de l'IGLC rédigé par Glenn et Greg et intitulé "Stabiliser le flux de travail". Ils travaillaient sur le processus de préparation depuis les années 1990 après avoir réalisé qu'un projet pouvait avoir un parfait Pourcentage des Promesses Tenues et pourtant être en retard sur le planning. Dans ces cas-là, l'augmentation de la productivité ne permettait pas de disposer des matériaux nécessaires pour passer à la partie suivante du projet. La Planification de la Préparation de Travaux a permis de résoudre ce problème grâce à une meilleure préparation.
La Planification par Phase a été développée plus tard dans les années 1990. La seule fois où Glenn s'est souvenu d'un Pull Planning, c'était lors d'un atelier avec l'équipe de projet du groupe Linbeck, au cours duquel Mike Daley, du groupe Neenan, avait suggéré de planifier en rétroplanning sur le mur. Cet atelier a eu lieu en 1998 ou au début de 1999. Appliqué sur le terrain, il poursuit l'idée que les personnes responsables du travail doivent jouer un rôle dans l'élaboration d’un planning qu'elles comprendront et soutiendront. Ces plannings par phase sont élaborés à un niveau assez général. Les détails opérationnels étant ajoutés au fur et à mesure que le travail et la nécessité d’avoir plus d’informations se font sentir.
Depuis la thèse de doctorat de Glenn, le Last Planner System continue d'évoluer, grâce aux contributions de nombreuses personnes. Récemment, Glenn et Iris Tommelein du Project Production System Laboratory (P2SL) ont publié le "2020 Current Process Benchmark for the Last Planner System of Project Planning and Control " (2020 Analyse Comparative du Processus Actuel du Last Planner System pour la Gestion & Pilotage de Projets). C'est comme si le système n'était jamais totalement achevé, puisqu'il fait l'objet d'une amélioration continue.
Le Last Planner System repose sur l'idée que les gens ont besoin de conversations claires et productives sur leurs engagements en matière de travail, et que leurs demandes doivent être prises en compte pour qu'ils puissent prendre ces engagements. Le Last Planner System est un cadre permettant d'avoir ces conversations, afin que les personnes comprennent les demandes et les engagements. Pour de nombreuses personnes, il s'agit de la principale pratique du Lean Construction qu'elles utilisent, avec souvent de précieux avantages.
Une étude menée par Dodge Data and Analytics a révélé que les projets utilisant des pratiques Lean ont plus de chances de se terminer en avance sur le planning et en dessous du budget. Parmi les entrepreneurs utilisant des pratiques du Lean Construction, 84 % ont fait état d'une construction de meilleure qualité, 80 % d'une plus grande satisfaction des clients, 77 % d'une plus grande productivité et 77 % d'une amélioration de la sécurité. Ces résultats ont été régulièrement répétés.
Il y a vingt ans, j'ai pu constater les avantages du Last Planner System dans le cadre de deux projets. Il s'agissait de projets de dortoirs d'été à court terme, d'une durée de 10 semaines, affectueusement appelés "summer-slammers". L'un d'entre eux consistait à rénover entièrement l'intérieur d'un bâtiment, en remplaçant les murs et les finitions et en installant les techniques spéciales (éléctricité, sanitaires, ventilation). Nous disposions de données solides sur les coûts prévus du projet pour les phases de rénovation précédentes et nous avons réalisé des économies significatives. En plus d'économiser plus de 15 % sur les coûts de construction, les équipes ont été complètement démobilisées à l'arrivée des étudiants sur le campus, alors qu'auparavant les charpentiers finissaient l'installation des plinthes et les peintres retouchaient les murs pendant que les étudiants transportaient leurs bagages dans leurs chambres. L'ingénieur de projet chargé de gérer le Last Planner System avec les chefs de chantier a même eu le temps de prendre une semaine de vacances en août, ce qui est normalement inimaginable pour ce type de projet mené en accéléré.
Ce qui est extraordinaire, ce ne sont pas seulement les résultats que le Last Planner System a permis d'obtenir dans le cadre de ce projet. Ce qui est extraordinaire, c'est que ces résultats sont monnaie courante lorsque les gens utilisent le Last Planner System pleinement, comme prévu. Cela démontre la valeur du génie collaboratif par rapport au génie individuel.
La valeur du génie collaboratif est la contribution la plus importante du Last Planner System. Lorsque l'on parle de Lean, on pense souvent à la réduction des déchets, à l'efficacité et à la productivité comme principaux avantages. Ce sont des avantages significatifs, mais comme Greg nous l'a rappelé dans un article de 2016 pour l'Autodesk Redshift Post, "Nous serons meilleurs en tant que communauté lorsque nous amènerons la puissance à la limite." Il est important de toujours se rappeler que le Lean consiste essentiellement à donner le meilleur de nous-mêmes en tant que communauté.
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